jeudi 31 mai 2012

MILT JACKSON: Sunflower - CTI 6024





Cover: Pete Turner




A la recherche d'un succès commercial mérité, le vibraphoniste Milt Jackson confia son étoile au producteur Creed Taylor. Le résultat est cet album de jazz orchestral teinté de romantisme. Parmi les invités prestigieux, on note la présence d'Herbie Hancock au piano, Freddie Hubbard à la trompette, Ron Carter à la contrebasse et Billy Cobham à la batterie. Ce quatuor de stars se met au diapason du vibraphone de Milt Jackson et permet un échange des plus courtois sans véritable leader. L'accompagnement est délicat, les solos comme murmurés. Dans cette ambiance tamisée, les superbes arrangements de cordes du directeur musical Don Sebesky font mouche.
Enfin, signalons "Necking", une des plus belles photos de Pete Turner choisie pour illustrer la pochette. Elle a été prise en Afrique du sud en 1970.
Un disque pour les amoureux... du violon et du jazz.

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Arnaldo DeSouteiro, le journaliste américain d'origine brésilienne, m'a fait le grand honneur de me donner ses impressions sur cet album. C'est un immense plaisir pour moi de vous les faire partager:

 
... Je considère vraiment que "Sunflower" est l'un des 10 meilleurs, des 10 plus branchés et plus parfaits albums jamais parus au catalogue CTI, et aussi l'un des 10 meilleurs projets de Sebesky comme arrangeur, l'une des 10 meilleures sessions de Billy Cobham, et le meilleur album solo de Milt Jackson en tant que leader.
"Sunflower" est véritablement parfait en tous points – le fabuleux répertoire, les arrangements sublimes de Don Sebesky, les performances musicales (magnifiques solos de Bags, Hancock et Hubbard, superbe performance de Cobham), le travail d'ingénieur du son (Van Gelder, comme toujours) et les magnifiques photographies de la pochette (K. Abe) et de la couverture (Pete Turner) "conditionnées" avec une extrême sophistication par le directeur artistique de CTI, Bob Ciano. Le tout produit à la perfection par Creed Taylor, bien sûr, qui a conçu l'esthétique de l'album.
Pour l'anecdote personnelle, j'ai eu mon premier exemplaire de "Sunflower" à sa sortie au Brésil début 1973, sous le label Top Tape, basé à Rio de Janeiro (aujourd'hui je possède 3 exemplaires vinyles et 5 ré-éditions CD). À l'époque, c'est-à-dire en 1973, j'avais 9 ans et je commençais à découvrir le catalogue CTI, après avoir passé mon enfance à écouter les albums de straight-ahead et mainstream jazz de la collection des mes parents – d'Art Tatum, Hazel Scott et Teddy Wilson à George Shearing, Art Van Damme et Ella Fitzgerald.
Mes parents m'obligeaient à aller au lit à 22 heures, mais quand j'étais sûr qu'ils dormaient, j'allumais toujours la radio, je la prenais dans mon lit et je l'écoutais tout doucement, tout contre mon oreille. Ma station de radio préférée à cette époque était JB AM qui diffusait deux émissions fabuleuses la nuit : "Noturno" (Nocturne) de 22 heures à minuit, suivie de "TAP Pelos Caminhos do Mundo" (TAP par les Chemins du Monde" – TAP était le sigle d'une compagnie aérienne appelée Transportes Aereos Portugueses, qui parrainait cette émission de radio, diffusée de minuit à 2 heures du matin).
Pendant des années, le générique de "Noturno" a été la version de Quincy Jones de "Jive Samba" par Nat Adderley, à partir de la création de l'émission par le DJ radio Simon Khoury, qui était aussi le directeur musical de la radio JB AM pendant son âge d'or – c'est grâce à leur programmation "normale" que j'ai entendu pour la première fois et découvert de nombreux grands albums par des artistes tels que Airto, Gaya, Tamba Trio, João Donato, Milton Nascimento, Walter Wanderley, Maria Toledo, Sivuca, Milton Banana etc. Quelques années plus tard, la version de Airto de "Bebê" par Hermeto Pascoal (une piste de l'album "Natural Feelings" de Airto), est devenue le générique de "Noturno", quand un autre grand artiste de la radio, Luiz Carlos Saroldi, a pris les commandes de l'émission. À cette époque j'étais déjà adolescent, et j'ai commencé à participer à l'émission, non seulement en prêtant des disques, mais aussi en y amenant des artistes tels que Luiz Bonfá, Eumir Deodato, Mark Murphy, Steve Swallow, Tania Maria et bien d'autres pour des interviews.
Le dimanche, "Noturno" avait une édition spéciale, appelée "Noturno Jazz & Blues", programmée et présentée par Celio Alzer. Leur générique était "Fables of Faubus" par Charlie Mingus, et j'ai fini par participer aussi à ces soirées du dimanche. Le soir où j'ai présenté "Tempest In the Colosseum" par VSOP (ce fabuleux double album était sorti seulement au Japon et je l'avais reçu en cadeau de Flora Purim) a été un événement !
Et le générique de "TAP Pelos Caminhos do Mundo" était la magnifique ballade "For Someone I Loved" par Milt Jackson, la première piste de "Sunflower". Bien sûr ils n'utilisaient que l'intro, le solo de guitare acoustique de Jay Berliner, en terminant par un fondu après les premières notes de la mélodie par Freddie Hubbard. C'est ainsi que j'ai créé un lien très personnel et émotionnel avec cet air, qui reste l'un des mes préférés entre tous.
Du point de vue de l'historien du jazz et du collectionneur de CTI, je dois dire que, outre l'album vinyle original, les ré-éditions CD "indispensables" de "Sunflower" sont celles sorties en 1997 par Sony Legacy (ZK 65131) et en 2009 par King Records (KICJ 98519).
L'édition digipack ZK 65131 a été produite par un de mes amis, le producteur Didier Deutsch, basé à New York, et entièrement remixée par Danny Kadar qui, à la demande de Didier, a reconstruit les titres originaux / complets, allongeant la durée de certaines pistes auxquelles Van Gelder avait appliqué un "fondu", à la demande de Creed Taylor, sur l'album d'origine. Ce faisant, Deutsch & Kadar ont restitué les orchestrations de Sebesky telles qu'il les avait conçues à l'origine. La piste titre, "Sunflower", par exemple, atteint 10 min. 01 sec. alors que la version mixée par Van Gelder pour l'album original se terminait à 08 min. 49 sec. Il est encore plus intéressant d'écouter la performance de Jay Berliner tout au long de "For Someone I Love", car Creed Taylor – dans le mixage de l'album d'origine – avait décidé d'utiliser la nuance espagnole apportée par la guitare acoustique de Berliner seulement dans l'intro, demandant à Van Gelder d'atténuer la piste de la guitare au moment où le reste du groupe se met à jouer. Il y a également une piste bonus enregistrée par Milt avec seulement la section rythme, "SKJ", un blues que Taylor avait mis de côté pour le second album de Milt chez CTI, "Goodbye".
La ré-édition SHM-CD KICJ 98519, sortie uniquement au Japon, a été produite par Taylor lui-même et brillamment remasterisée par Van Gelder avec seulement les bandes de son mixage original, mais en élargissant l'étendue sonore pour rendre le son plus éclatant et plus fort, et faire ressortir TOUT le talent des musiciens présents, ce qui permet à l'auditeur de remarquer de nombreux détails "cachés" dans les albums gravés en 1973, 1979, et 1981 ainsi que dans toutes les autres éditions CD précédentes. Le son pur des cordes, des bois et de la batterie de Cobham (parfois musclé, parfois très subtil) devient particulièrement brillant et envoûtant dans les quatre pistes (pas de "SKJ" cette fois-ci).
J'espère que ces commentaires ont pu vous être utiles.*

Arnaldo DeSouteiro  (Lettre du 21 mai 2012) 
Jazz Station - Arnaldo DeSouteiro's Blog 


* Merci à Sylvie du forum international: help.berberber.com pour sa traduction






Face A:

1. For Someone i love 10:08
(M. Jackson)
2. What are you doing the rest of your life 6:55
(M. Legrand, A&M. Bergman)

Face B:

1. People make the world go round 8:23
(T. Bell, L. Creed)
2. Sunflower 8:50
(F. Hubbard)

Sur compact disc en bonus:
SKJ (Milt Jackson)  6:46



 

Arrangé et dirigé par Don Sebesky

Vibraphone: Milt Jackson
Piano: Herbie Hancock
Contrebasse: Ron Carter
Batterie: Billy Cobham
Percussion: Ralph MacDonald
Guitare: Jay Berliner
Trompette et Bugle: Freddie Hubbard
Flute/Flute alto/Piccolo/Cor anglais: Phil Bodner
Clarinette/Clarinette basse/Flute Alto/ Cor anglais: George Marge
Flute alto/Cor anglais: Romeo Penque
Violon: Max Ellen, Paul Gershman, Emanuel Green, Charles Libove, Joe Malin, David Nadien, Gene Orloff, Elliot Rosoff, Irving Spice
Violoncelle: Charles McCracken, George Ricci, Alan Shulman
Harpe: Margaret Ross

Enregistré aux studios Van Gelder en décembre 1972

Ingénieur du son: Rudy Van Gelder
Photographie de couverture: Pete Turner
Photographie intérieure:  K. Abe
Design: Bob Ciano

Producteur: Creed Taylor




3 commentaires:

  1. Ou la la que ça fait envie une telle chronique.
    je n'ai aucun souvenir, aucune notion de cet album.
    J'adore Milt Jackson, mais suis ignare de cet enregistrement.
    Arnaldo de Souteiro parle de Tempest at the Colloseum, et tout de suite cela me fait un tilt dans la tête car je suis allé voir le VSOP Quintet suite à l’achat de cet album effectivement d'import japonais.
    je vais me procurer cet album de Milt Jackson car un tel article ouvre l’appétit et les éditions si bien déclinées méritent que je me penche avec grand sérieux sur la question.
    Et puis, si on imagine qu'il s'agit là d'une des plus formidables prestations de B Cobham, alors... inutile d'attendre plus longtemps, je vais me le chercher. Je suis un incorrigible fan de Billy et ce depuis le premier coup de l'unique cymbale avec laquelle il groove le Jack Johnson de Miles...
    Merci de tant de découvertes...
    Bien à toi.
    Pascal.

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  2. Je profite de ton message pour signaler que les 3 lettres "SKJ", correspondent aux initiales de l'épouse de Milt Jackson.
    Merci à toi pour tes précieux commentaires

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    1. Quelle culture hyper spécialisée. Je suis impressionnée.

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